Crash aérien

-Je suis pas un gosse! Cria-t-il au vide après avoir été rassuré par la lumière.

Reno la rejoignit rapidement avec un regard réprobateur.

-Tu m'as fait vraiment peur! Déclara-t-il. Faudra que tu me montre à faire ça un jour, rit-il néamoins.

Il regarda autour de lui. Ils pourraient marcher un bout sur la corniche, histoire de ne pas être vu d'en haut, mais n'aurait d'autre choix que de descendre en escaladant une très bonne partie de la montagne que Reno n'avait pas encore exploré.

Il se mit en marche en longeant la paroie. Ils durent marcher une bonne disaine de minutes mais ils devaient se rendre à l'évidence, le plat devenait de moins en moin large et bientôt, il n'existerait pas. Reno vint pour parler, dire qu'il allait descendre pour trouver le prochain étage mais il se figea, la bouche ouverte et fit signe à la blanche de ne rien dire. Il écouta encore un instant et sortit son bâton électrique de sa poche. Un tic tac très faible, à pein audible en sortait. Il ne le remarquait que maintenant, alors que l'écho était puissant et le silence tout autant. Tic tac...

-Où l'as-tu trouvé? Demanda-t-il en se retournant vers Lynn, une expression neutre plus qu'alarmante sur son visage.

Lynn déglutit avec difficulté en observant le bâton. C’est vrai que ça avait été trop beau pour être vrai… Le trouver comme ça, bien en évidence, il y aurait eu une pancarte clignotante au dessus que ça aurait été pareil. Elle s’en voulut d’avoir été aussi naïve mais se ressaisit, ce n’était pas vraiment le bon moment pour penser à autre chose. Première solution, désamorcer la bombe. Elle voulait bien, mais c’était sûrement pas ses connaissances en mécanique ou en électronique qui allaient les aider.

La blanche s’empara du tube métallique et le porta à son oreille, cherchant à localiser précisément le dispositif. Une fois repérée, elle en déduisit qu’il avait été probablement déclenché à distance. Mais quand ? Eden trépignait dans son esprit, la suppliant de jeter ce machin très loin. C’était une bonne idée mais ça risquait de dévoiler leur position. Néanmoins, il s’agissait de la seule solution restante… Tic tac. Le bruit grossissait dans sa tête, l’empêchant de se concentrer. Tic et tac. Après le tic, ça fait tac. Et après tac, on a le tic… Lynn fit bouger son épaule douloureuse afin de redevenir maître de ses pensées. Et elle n’arrivait toujours pas à se décider.

Vers le haut ? Cela risquerait de déclencher un éboulis qui ne manquerait pas de les écraser. Dans le vide ? La déflagration soufflerait la prochaine corniche où ils pourraient faire escale. L’abandonner près des restes de l’hélicoptère ? Trop long, on ne sait pas quand cette saloperie va se décider à exploser. Quant à la garder dans les mains en espérant que rien ne se passe, fallait pas se leurrer. Prise par une soudaine volonté de survie, Lynn s’avança jusqu’à l’endroit où l’étroit chemin caillouteux finissait de se rétrécir et, avec toutes les forces qui lui restait, elle lança l’appareil au loin. Elle se retourna vers le rouquin, la mine toute déconfite.

« - Désolée d’être aussi bête… On se dépêche de continuer ? »

Reno haussa les épaules.

-Ce n'es pas de ta faute, dit-il avec un sourire mais tout de même déçu d'être de nouveau désarmé... comment allait-il aprendre le truc de se jeter dans la vide maintenant hein?

Il descendit sur la paroie plus bas. Cette fois-ci, il faisait plus attention, descendait plus lentement et prudement. Il ne s'était pas rendu jusque là et ne connaissait pas le parcour ni la solidité des prises. Après un moment, il regarda vers le haut. Il était un peu loin et plus bas, aucune corniche proche. Il ne pouvait pas demander à Lynn de sauter si bas en continuant à descendre!! Il se déplaça donc un peu plus loin sur la droite. Soudain, la prise sur laquelle reposait son pied se décrocha de la montagne rochause.

Il perdit l'équilibre, son autre pied glissa et sa main droite qui était en déplacement entre deux points d'apuis s'appuya sur le mur rochaux mais il n'y avait rien, ni creux, ni bosse à cet endroit. Son autre main fut incapable de soutenir son poid soudain sur sa minuscule prise et lâcha.

Et il tomba.

D'un mètre.

Minuscule corniche, vraiment, mais sans elle, Lynn l'aurait attendu vraiment longtemps! Reno releva la tête et distingua la silouette de la blanche loin au dessus. L'endroit où elle se trouvait ne devait vriament pas être large! Il prit la lampe et envoya le signal et eut tout juste le temps de se racrocher à la roche que la montagne s'ébranla violenment. Son EMR! Il jeta un regard en bas. Bon, une corniche de détruite... Et en haut... Lynn n'était plus visible sur la corniche.

Le monde sembla se figer un long instant, jusqu’à ce qu’elle puisse enfin apercevoir le signal. Elle s’apprêta à soupirer de soulagement quand des rudes secousses agitèrent la montagne. Instinctivement, Lynn se colla à la paroi pour se tenir le plus possible éloignée du bord de la corniche même si elle n’avait qu’assez de place pour se tenir debout. Et lorsque tout enfin se calma, elle voulut jeter un œil en bas afin de se sentir un peu rassurée. Un caillou ricocha sur le haut de son crâne, la faisant prudemment relever les yeux.

On ne distinguait pas grand-chose si ce n’est un renfoncement sombre malgré la lumière naissante du jour qui se profilait à l’horizon. Le front de la blanche se plissa sous l’inquiétude. Avait-elle rêvé ? La corde sous forme de lasso qui enserra brusquement son cou lui dit que non. Le lien comprima sa jugulaire, lui coupant rapidement le souffle. Mais c’est qu’ils les avaient rattrapés ces… Aucun nom d’oiseau ne parvenait à sortir. Lynn se tortilla et parvint à trancher la corde avec ses griffes. Mais ce geste la déséquilibra.

Glissant le long du mur rocheux, la jeune femme planta son arme du mieux qu’elle pu et parvint à se stabiliser à peu près à la même hauteur que le rouquin. Rageusement, elle desserra le nœud autour de son cou et inspira un bon coup. Puis, prenant appui avec son autre main et avec ses pieds, elle entreprit de remonter. Fallait qu’elle les tienne à distance, sinon Reno et elle risquaient de se faire canarder comme pour une partie de chasse. Mais bon sang ! L’escalade et elle, ça faisait vraiment deux… Lynn grogna entre ses dents et préféra concentrer son attention sur les prises minuscules qui devaient servir à soutenir sa main droite et ses jambes.

Reno la regarda sans trop comprendre. D'où venait la corde et... pourquoi elle remontait?! Un déclic se fit dans le tête du rouquin. Non, c'était impossible, pas eux, pas déjà! C'était... un robot ou un truc qui se déclanchait automatiquement, ils ne pouvaient pas être déjà là!

-Je suis mort, eut-il le temps de souffler à Lynn avant de s'élancer sur la paroie avec une rapidité inouie.

Il se déplaça sous la corniche de laquelle il venait de s'élancer de sorte à se cacher. S'ils étaient vraiment là, ils devaient croire que Lynn était seule s'ils voulaient avoir une chance. Il n'était pas sur qu'ils seraient capable de resortir une deuxièment fois de cet enfer en un seul morceau.

Son plan était donc clair. Lynn remontait seule, disait qu'il n'avait pas survécu, Reno remontait discrètement et les prenaient de dos! Tout le monde est content! À supposer qu'il y ait du monde... c'était peut-être simplement une bête des montagnes aussi, non? Mieux vallait la prudence, ainsi resta-t-il sagement caché en attendant.

Agrippant enfin le bord du renfoncement suspect, Lynn voulu se hisser d’un bond sur la surface plane mais ses forces l’abandonnèrent brutalement. Puisant dans les réserves de la rouquine, elle parvint néanmoins à rester accrochée. Elle leva les nez, ses yeux rencontrant une paire de grosses chausses peu amicales. Une main d’homme la tira brutalement par les poignets pour l’obliger à remonter et lui fit aussitôt une clé de bras. La blanche ne chercha même pas à se débattre, plutôt occupée à tenir son rôle. Elle affichait une mine très froide nuancée par des éclats de tristesse, après tout, Reno se faisait passer pour mort, si elle avait bien tout suivit.

« - Il est où l’autre ? demanda l’un des gardes en se tournant vers son compagnon. Ils sont censés être deux, et on en a trouvé qu’une. »

Jolie déduction, t’as trouvé ça tout seul ? Lynn se retint de rire, gardant son aspect sérieux avec quelques difficultés. Le second soldat haussa les épaules et suggéra qu’il était peut-être tombé. Ce à quoi son coéquipier répondit que c’était en effet plus que possible. Sentant que le garde remontait encore un peu plus son bras gauche dans son dos, Lynn grimaça douloureusement. Son expression fit sourire les deux hommes. Eux étaient en partie contents, après tout, ce duo d’invités leur avait déjà bien donné du fil à retordre.

Reno entendit de faibles éclats de voix, trop loin pour distinguer des mots clair mais assez près pour reconnaître celle d'un homme. Puis celle d'un autre. Reno ferma les yeux et se concentra. Ils discutèrent encore un peu, ils devaient être deux, s'ils étaient plus, ils étaient muets, mais ça serait étonant vu l'endroit où ils se tenaient. Ils devaient être serrés à trois là haut...

Les voix s'éloignèrent progressivement. Reno jeta un coup d'oeil rapide avant de se hisser sur la corniche où se trouvait le baluchon de fortune. Il fouilla rapidement à l'intérieur... une arme, n'importequoi qui faisait mal! Rien. Évidamment... Tant pis! Reno prit un élan et s'envola littéralement alors qu'il escaladait la paroie rocheuse, faisant fit de ses doigts qui commençaient à souffrir. Il les suivit discrètement, parfois en marchant derrière eux, d'autres en de déplaçant de côté sur la roche au dessus ou au dessous d'eux.

Ils n'étaient pas particulièrement costauds, ni faible. Ils devaient bien être des seuls gardes capable d'escalader... Ils s'approchèrent des restes d'hélico. Parfait! Pensa Reno. Il se saisit d'un morceau de feraille tordu et particulièrement pointu et attendit que le premier homme ai mit pied dans... l'échelle? Reno n'eut pas le temps de se questionner sur l'apparition de la vertigineuse échelle et s'élança sur le deuxième. Il lui enfonça la lame improvisée dans la nuque, se servit de lui pour se donne un élan et bondit vers l'autre, à seulement une mêtre du sol, pour percuter l'intérieur de son genoux, qui se plia et se brisa dans un craquement écoeurant contre le barreau de métal. L'homme tomba et Reno lui brisa la nuque. Il fouilla rapidement ses poches pour trouver un poignard et des clés, détacha Lynn et fit tomber l'échelle.

-Vite, on part de l'autre côté avant qu'ils ne reviennent. Il va faloir se dépêcher et ça va être très dangereux. J'ai tout laissé là bas alors on va se débrouiller!

Puis, Reno lui saisit la main et s'élança dans la direction opposée à celle qu,ils avaient prise plus tôt. Cette fois au moins, il n'avait plus de bombe sur lui et sans doute plus de GPS non plus. Restait qu'à courir.

Lynn se laissa guider, à peine consciente de ce qu’il se passait autour. Juste une chose à faire, courir le plus loin et le plus rapidement possible. Sa tête lui tournait, son corps réclamait un peu d’écoute et surtout du repos. Pas encore, bientôt peut-être mais pour le moment, il ne fallait surtout pas qu’ils s’arrêtent. Ses bras s’engourdissaient, elle sentait à peine la main de Reno qui pressait la sienne. Mais tant qu’elle parvenait à le suivre, ça ne posait aucun souci.

Son pied se prit dans une petite déformation au sol, la faisant lâcher le rouquin lorsqu’elle ralentit un peu. Reprenant rapidement son souffle, la blanche repartit à lui suite de son équipier, nouvellement décidée à ne pas abandonner maintenant. Que l’esprit le veuille, c’était une chose, que le corps exécute en était une autre. Se raccrocher aux parois avec ses griffes n’avait pas été une si bonne idée que ça finalement, elle devait bien s’être étirée de trop un muscle. Eden, bien que veillant sur l’état de la plus jeune, lui adressa une simple remarque qui sembla redonner vigueur à la blanche. On court avec ses pieds, pas avec ses bras. Pour une fois que l’autre se rendait utile. Lynn accéléra son allure, tout en prenant bien garde à ne pas glisser, sinon c’était le vide.

Des claquements lointains résonnèrent jusqu’à leurs oreilles. On aurait dit… des armes à feu ? La jeune femme se stoppa net et se retourna vers la source des déflagrations. Ils se battaient, là bas ? Est-ce que par hasard... ? Son regard gris ne dissimula pas la note d’espoir qui sonnait dans son esprit.

Reno se stoppa net lui aussi et se retourna. Les coups de feu semblaient venir de partout à la fois, c'était très échos à cet endroit, mais ils semblaient venir de derrière. Si c'était vraiment le cas, la Shinra avait fait très vite... ou alors ça n'était pas la Shinra, une sorte de geurre interne. Reno reprit la main de Lynn.

-On doit continuer, lui dit-il. Si c'est vraiment la Shinra, tant mieux, mais si on se met dans leurs pattes, ils continueront de tirer et s'ils perdent, ils nous ratrappent! On va descendre.

Reno pointa le vide. Pas très loin d'eux, il y avait une autre corniche. Et c'était bien mieux que de rester sur le même niveau qu'eux! Il descendit un peu, restant près au cas où car Lynn semblait assez peu énergique... normal. Puis, il se laissa tomber sur le sol plus bas et regarda en bas. Ce qu'il vit le stupéfia complètement. Et puis de ce côté de la montagne, le sol semblait moins loin.

Lynn acquiesça d’un léger hochement de tête et se mit également à descendre la paroi. Une fois en bas, elle remarqua du coin de l’œil l’expression de surprise totale qui s’était peinte sur le visage du rouquin. S’approchant à son tour, elle eu la même mimique en voyant que la distance qui les séparaient du sol avait brusquement diminuée. C’était très étrange tout de même, à moins que la montagne ne s’élève dans une pente.

Les bruits de détonations ne cessaient pas mais allaient en diminuant. Le combat s’éloignait d’eux. La blanche se mordit les lèvres en refusant de penser à ce qui était entrain de se dérouler à seulement une centaine de mètres de là. Elle préféra axer son attention sur le paysage qui s’étendait à leurs pieds.

Les rayons solaires naissaient à l’horizon et couraient sur le dôme feuillu d’une probable forêt qui se réveillait doucement, loin de toute agitation humaine. Le pied de la montagne baignait également dans la fraîche lumière de l’astre, révélant peu à peu les irrégularités de ses murs et donc les rares prises naturelles qui puissent exister. Dans le ciel, qui perdait à présent son manteau nocturne pour endosser sa veste bleue nuancée de rose matinal, quelques rares nuages blancs passaient, avec une infinie lenteur qui leur apportait une sorte de calme apparent.

Avec douceur, Lynn posa son regard sur son équipier. Elle n’arrivait plus à se décider à présent, elle ne savait plus quoi faire hormis lui donner toute sa confiance. Mais cela ne semblait pas bien grave puisqu’ils allaient bientôt finir par toucher cette terre ferme, ou tout du moins, elle l’espérait.

Reno étudiait la paroie en se mordant la lèvre. Il ne pouvait pas faire descendre Lynn à cet endroit. Trop risqué... Et il n'osait pas lui demander de s'accrocher de nouveau avec ses griffes. La corniche sur laquelle ils se trouvaient était plutôt petite et ne continuait pas très loin... enfin... au bout il y avait un trou dans le roc, une entrée. Reno ouvrit de grands yeux. Non, ils ne pouvaient pas être devant une autre entrée de cet horrible endroit! Il s'approcha en faisant signe à Lynn de rester silentieuse. La roche était lissée par les années de calcaire qui avait coulé et de l'eau continuait de gouter parresseusement le long des murs par endroits. Une crevasse naturelle! C'était déjà plus rassurant.

-On... on tente notre chance? Questionna Reno en pointant l'intérieur. Je refuse de te faire descendre par là.

Lynn ne répondit rien, se contentant simplement de hoches les épaules et de se diriger vers la grotte naturelle. Celle-ci était aussi sombre que celles visitées antérieurement, mais l’idée qu’elle fut naturelle et non creusée pour ce scientifique tordu, rassura un tant soit peu la blanche. Elle s’arrêta dans l’entrée de la caverne, laissant son regard s’habituer à la pénombre qui tranchait avec la légère clarté du dehors.

L’eau s’écoulait sur les murs, furtivement, imperturbable. Quelques reflets d’un vert scintillant apparaissaient parfois dans son sillage. Les roches prenaient des allures plus rêches, les parois étaient striées, signe d’une érosion ancienne. Un silence solennel planait, ne se laissant trahir que par le son des perles d’eau qui, ayant terminé leur course le long d’une pierre, viennent s’écraser quelques centimètres plus bas dans une flaque formée par leurs congénères qui les précédaient.

Sans vraiment s’en rendre compte, la jeune femme s’approcha et fit glisser ses doigts sur le chemin de l’eau, suivant son trajet un bref instant. Cet endroit était reposant, presque envoûtant. La nature avait gardé ses droits ici, là où l’être humain ne devait qu’avoir rarement mit les pieds. Qui étaient-ils pour profaner ce sanctuaire ? Deux êtres à la dérive, simples jouets du destin. La grotte se prolongeait en un seul et unique chemin, mais celui-ci semblait monter. Ils n’avaient, pour le moment, pas le choix. Néanmoins, Lynn s’assit en s’adossant à un roc.

« - On fait une petite pause et on repart. » décréta-t-elle en fermant les yeux.

Pas question de dormir, non. Juste cinq minutes, histoire de laisser un peu de repos à ses jambes et à son épaule. Et que le rouquin soit d’accord ou pas, cela ne ferait probablement pas changer son équipière d’avis.

Reno s'assit à son tour avec un petit sourire. Il en profita pour glisser ses doigts endoloris et égratignés dans une petite flaque d'eau, en appréciant la réconfortante fraîcheur. Ses muscles le faisaient souffrir d'autant d'escalade, d'aussi rapides déplacements et d'autant de tention. Il n'aurait pas dit non à une bonne douche et un bon lit confortable... sans oublier un bon repas! Mais pour le moment, ils étaient coincés à cet endroit et devaient en sortir avant de se blesser sérieusement. Ses yeux dérivèrent sur Lynn. Elle semblait peu en forme.

-Tu ne peux pas... utiliser ton pouvoir étrange pour te gérir? Demanda timidement le rouquin qui avait remarqué qu'elle bougeait moin son bras armé.

Lynn eu un bref serrement au cœur. C’est vrai que Tenshi dormait toujours, et pour combien de temps ? Même l’autre n’arrivait pas à la stimuler. Elle dormait, se régénérait peut-être ou, au contraire, glissait encore lentement vers les ténèbres. Cette deuxième hypothèse pouvait être écartée puisque aucun mélange forcé n’avait été ressenti depuis déjà un petit moment.

« - Ce n’est pas aussi simple que ça. » finit-elle par répondre d’une voix lointaine.

Ses paupières toujours closes, la blanche ramena ses genoux contre sa poitrine et enlaça ses jambes. Elle réfléchissait, à tout ce qui venait de se passer. Pourquoi est-ce que ce scientifique à l’esprit complètement détraqué avait choisit Utaï comme lieu de recherche ? Ici, la Shinra n’a presque aucun droit, sûrement quelques espions mais pas suffisamment pour remarquer l’étrange activité que renfermaient les cœurs des montagnes.

Doucement, Lynn rouvrit les yeux et posa son regard sur le rouquin. Lui aussi ne semblait pas aller très bien. Peut-être même qu’il était à bout de forces. Si seulement elle n’avait pas voulu jouer les héroïnes, Tenshi serait encore là à la sermonner ou à faire timidement part de son avis. Ses lèvres firent un sourire triste et impuissant tandis qu’elle détournait tristement le regard. Jusqu’au bout elle aurait été inutile.

Reno sourit tristement. D'abord qu'elle ne puisse se guérir, et ensuite, de la sentir si distante envers lui, comme au début. Il comprenait qu'elle désirait gerder ses secrets et parfois se maudissait de ne pas avoir lu le journal qui avait brûlé entre ses doigts, devant ses yeux, emportant tant de vérités dans l'oubli. Mais s'il l'avait lu, sans doute que Lynn aurait changé. Aussi bien lui laisser le temps qu'elle nécéssitait, mais la sentir s'éloigner autant de lui alors qu'elle lui avait proposé de tout savoir l'enragait.

Le rouquin s'approcha néanmoins de Lynn à quattre pattes et posa délicatement ses doigts sur son épaule. Avec douceur, il la tâta, la massa consciencieusement. Il vérifiait, portait une grande attention à ce qui se trouvait sous ses doigts, les muscles, les os, les nerfs.

-T'inquiète, je vérifie juste si c'est grave, lui soufla-t-il à l'oreille. Tu as mal où exactement?

Sa voix, ses gestes, ses yeux, tout était pourvu d'une tendresse infinie et apaisante, peu coutumière. Il connaissait son caractère indépendant et ne voulait surtout pas se montrer étouffant et sefaire rejeter, juste lui donner un appuis, un sentiment de confort peut-être? Juste un instant. Puis, les yeux de Reno s'emplirent de gratitude et son sourire devint confiant. Seul, il ne serait pas là. Et le simple fait de savoir qu'il n'était pas prisonier de cette solitude qui suit les Turks le rendait plus heureux. Il avait beau être un tueur, il supportait mal la solitude.

Lynn ouvrit la bouche pour répliquer qu’elle n’avait pas besoin de son aide mais aucun son ne sortit. Ses traits se détendirent en sentant la douce chaleur qui enveloppait doucement son épaule. L’endroit précis de son mal ? A quoi bon lui faire connaître, il ne pourrait rien y changer… Mais pourquoi tenait-il tant à se montrer si gentil ? La blanche n’arrivait pas à lui poser la question, de peur qu’il ne puisse lui-même y répondre.

Sa main s’empara avec délicatesse de celle de Reno, la soulevant et l’éloignant de l’épaule endolorie pour la poser sur sa poitrine, au dessus du battement régulier du cœur. Lynn prit une expression à demi-gênée.

« - Ici, ça fait mal. »

Elle pensait, à tort ou à raison, qu’il ne trouverait rien à dire ou à faire, aussi lui rendit-elle gentiment sa main en se forçant à sourire avec l’air de dire que ce n’était pas si grave que ça. Puis, plongeant ses iris grisâtres dans le bleu océan de celles du rouquin, elle ressentit une grande vague de culpabilité l’assaillir. Coupable, mais de quoi ? Lui, qui se montrait si boute-en-train d’ordinaire, devait probablement faire des efforts faramineux pour se montrer aussi doux et affectueux.

Et si tout était calculé ? … La remarque d’Eden choqua la blanche qui s’apprêta à lui faire ravaler ses paroles. Elle s’arrêta brusquement. Le calcul venait d’elle, pas du rouquin… Au fond, ne se servait-elle pas juste de lui pour arriver à ses fins ? Elle l’avait décidé depuis le début. Lie toi d’amitié avec le roux, le reste suivra, et ensuite… Le visage de la jeune femme s’obscurcit brutalement.

Reno se pencha et la prit entre ses bras. Il la serra doucement contre lui en frottant le bout de son nez contre son cou, éloignant les mèches blanches qui lui barrait la route.

Il ignorait tout d'elle et c'est à ce moment qu'il s'en rendait compte. Il ne savait pas prévenir ses réactions, ne savait pas ce à quoi elle penssait ou pourquoi elle y penssait, ne savait pas d'où venaient ces brusques changements en elle, ne savait pas...

-Dis-moi... je veux savoir pourquoi tu fait cette tête. Parle moi, dit-moi... Tu dis que c'est long, on a le temps ici non? Raconte-moi ton histoire, s'il te plait. Dis moi ce que tu crain, je veux savoir...

Lynn tressailli en entendant les paroles du roux. Pourquoi diable s’entêtait-il autant ? Quoique, il n’avait pas tout à fait tort… Elle s’envoya une gifle mentale. Rien, elle ne devait rien lui dire, c’était trop… risqué. Peur de les perdre tous, ses sœurs et lui. Mais à qui pourrait-elle se confier si ce n’est à lui ? La peur du rejet vint s’accumuler aux précédentes. Ses yeux se mirent à fixer obstinément le sol.

La blanche finit par inspirer profondément avant de se mettre à parler. Confusément, elle raconta son passé, l’enfance quasi-heureuse des jumelles, l’expérience, le meurtre, la Shinra. Elle oublia volontairement certains détails comme le nombre d’années où elle était restée enfermer dans le noir ou le fait que la petite Lynn et la Eden vivaient toujours en son corps. Elle termina sur sa fuite, se disant que raconter son arrivée dans les Taudis n’était pas ce qui devait intéresser le plus Reno.

Lorsque sa voix s’éteignit, un poids énorme sur son âme sembla s’alléger. Elle garda le regard tourné vers le terrain rocailleux de la grotte, laissant sa sœur rousse l’insulter autant qu’elle le désirait. Mais ses craintes subsistaient toujours. Comment allait-il réagir ?

« - Je ne pouvais pas… Te le dire dès le début. Et même maintenant je comprendrais que… tu t’éloignes. Je ne suis qu’une anomalie après tout, je n’ai pas de place. »

Ses derniers mots n’étaient plus qu’un vague murmure. Lynn sentit le poids retomber brutalement. Voilà, elle avait tout gâché, c’était malin. Elle baissa la tête, contenant divers émotions qui voulaient la commander.

Reno l'écouta sans l'interrompre et sans laisser parraître d'émotion particulière. Il avait réussit à la faire parler! Et il voyait bien que ça lui faisait autant de bien qu'à lui... Enfin... jusqu'à ce qu'elle raconte... la transformation. Son coeur se serra douloureusement. Ça devait être affreux de vivre en sachant que l'on est deux. Il s'en voulu soudainement pour toutes les fois où il avait tenté de la pousser à parler. Au fond, il avait dû lui faire remonter d'horribles souvenirs.

Il choc l'ébranla mais en bon comédien, ne laissa paraître aucune des émotion contradictoires qui se bousculait en lui et, Reno étant Reno, il fit par sourire et se pencher sur Lynn pour la prendre dans ses bras. Oui, son regard sur la blanche changerait mais il ne s'éloignerait pas, au contraire, il se raprocherait, trop heureux qu'elle lui fasse assez confiance pour lui raconter et de connaître enfin qui elle était... ou du moins, un peu plus.

-Je ne vois pas pourquoi je m'éloignerais, chuchota Reno. Tu est toi, peu importe comment tu l'est, dit-il maladroitement. Et tu as une place... Tu y est en ce moment, continua le rouquin en resserant sa prise.

Il n'aivait aucune idée de quoi dire ou faire alors il se contentait de rester lui. Après tout, il ne voulait pas la vexer ou qu'elle se méprenne alors il se dit qu'il repensserait à tout cela et se ferait une opinion claire quand il serait seul. Mais il ne laisserait pas tomber.

-Ce n'est pas si terrible, tu aurait pu m'annoncer que tu te transforme en vampire à toutes les nuits, tenta de blaguer le rouquin pour ballayer l'ambiance lourde.

Lynn se raidit en sentant les bras de Reno qui continuaient à l’enserrer. Un frisson la parcourut. Ses lèvres tremblèrent, ne sachant quoi dire, ni quoi faire. Elle s’était attendue à tout mais pas à ça. C’était presque irréel. Il ne pouvait pas réagir aussi bien, ça n’était tout bonnement pas possible. Brusquement, elle se dégagea de son emprise, prenant son visage entre ses mains afin de le regarder le plus droitement possible dans les yeux.

« - Selon toi, pourquoi ai-je accepté de rejoindre les Turks ? »

L’évidence même devait déjà lui sauter aux yeux, néanmoins, la blanche cru bon de le lui préciser.

« - Pour la vengeance, uniquement. Et toi, tu ne te rends même pas compte que je me suis servie de toi. »

Elle avait volontairement lâché ces paroles avec un ton mauvais et dénué de sentiments. Même si elle n’y pensait plus vraiment à présent, elle y avait au moins pensé une fois, et cela suffisait. Ses traits se durcirent, toute once d’émotion s’effaça de son regard gris. Tant pis si elle le perdait, c’était le seul moyen de lui faire comprendre. Il était encore humain, mais elle avait perdu toute humanité il y a de cela plusieurs années.

Reno sentit son coeur ratter un battement. Son visage perdit tout expression et ses bras retombèrent mollement de chaque côté de son corps. Ses yeux étaient plantés dans ceux de la blanche et tentait d'y trouver quelque chose, n'importe quoi qui aurait démentit ses mots... mais rien. Qu'un trou sombre et vide au milieux de deux cerles d'acier qui semblèrent se resserer sur le coeur de Reno. Non, ça ne pouvait être vrai, il ne voulait pas y croire. Il avait délaissé toutes ces anciennes habitudes pour elle, pour suivre ce qu'il ressentait... croyait ressentir? Ses sourcils se froncèrent durement et son regard se couvrit de reproches.

-Je ne te crois pas, dit-il lentement. Tu as eu milles occasions de nous tuer, de faire du mal à la Shinra, tu m'as guéris, tu as risqué ta vie pour nous deux, non pour toi, pour nous.

Il se dégagea brusquement de ses mains. Pourquoi s'entêtait-elle à vouloir le faire souffrir? Et même si ses idées de vangeance étaient vraies, pourquoi lui?

Reno fit le tour de la caverne en marchant lentement. Il attendait. Quoi, il ne savait pas. Qu'elle parle? Qu'elle bouge? Dix. Il comptait jusqu'à dix et prendrait une décision si rien ne se passait. Neuf... Huit...

Sept... Six… Lynn partit d’un grand éclat de rire, un rire moqueur et nerveux. Forcé, évidemment, mais elle ne le montrerait pas. Feindre le profond mépris, elle était plutôt assez douée pour ça finalement. Et dire qu’il ne la croyait pas ne changeait rien à la situation, il avait mal, tout en lui le criait. La blanche se leva à son tour, s’adossant au mur.

« - Si je t’ai aidé c’était juste pour que tu me considères plus rapidement comme ce que tu appelles ‘ami’. Pour moi ce n’est qu’un mot, de vulgaires lettres mises à la suite les unes des autres. Tu n’as aucune valeur à mes yeux. »

Se tournant, Lynn marcha jusqu’à l’entrée de la grotte. Elle resta debout, à la limite du dehors. Au loin, l’horizon se chargeait doucement de bleu tandis que le soleil gagnait peu à peu de la hauteur.

Une boule se forma dans sa gorge, ses yeux se mirent à briller. Maintenant qu’elle lui tournait le dos, elle pouvait se laisser un peu aller. Une larme roula lentement sur la courbe de sa joue. Non, elle ne pouvait pas, elle ne voulait pas qu’il s’en aperçoive.

Mais c’était trop tard, et plusieurs gouttes se mirent également à dévaler les traits arrondis de son visage. Elle croisa les bras, serra les poings. La portée que risquait avoir sa dernière phrase lui apparut subitement. Un imperceptible sourire s’afficha sur ses lèvres.

Cinq... Quatre... Reno cessa de respirer alors que ses yeux se perdaient sur le mur de brique. Comment pouvait-elle dire... ces choses? De cette manière? Ses yeux s'embuèrent mais aucune larme ne glissa. Il était un homme, il était un Turks, il avait déjà vu des centaines de filles et des centaines d'autres l'attendaient... mais pas comme Lynn... Pas comme... Trois... deux...

-Je devrais te tuer, souffla-t-il.

Et c'était vrai. Trahison de la compagnie, humiliation de sa personne, simple défoulement... Reno tourna les talons et s'éloigna sans bruit, sans une parole de plus vers le chemin qui s'ouvrait au fond de la caverne. Aussi noir que la nuit.

Un, zéro...

Lynn se ressaisit soudainement en l’entendant s’éloigner. Elle sécha rageusement, d’un revers de manche, l’eau qui maculait ses joues tout en reprenant son expression dédaigneuse et frigide. Elle pivota légèrement vers la silhouette du rouquin qui se mêlait de plus en plus aux ténèbres, la regardant se fondre dans la masse noirâtre sans faire un seul geste pour la rattraper.

Je devrais te tuer… La blanche ressentit quelque chose d’étrange, comme si cette phrase, qui aurait dû être terrible à entendre pour toute autre personne, lui apportait une note d’espoir. Il l’avait dit, c’est qu’il le ferait. Elle l’espérait.

Les ténèbres l’enveloppèrent à son tour alors qu’elle se mettait à courir à la poursuite de Reno. Elle le rejoignit rapidement, posa sa main sur son épaule et le força à se retourner. Ses yeux se baissèrent, voulant voiler la rougeur qui les avait saisit à cause de son relâchement momentané.

« - Qu’attends-tu pour le faire alors ? Tu es un Turks, pas vrai ? Vas-y, tue-moi. »

Aucune émotion ne venait accompagner ses paroles. Elle ne montrait toujours rien, si ce n’est le même visage blasé qu’elle avait au début de leur rencontre. Celle-ci semblait remonter à une éternité. Lynn inclina un peu sa tête vers l’avant, prête à ressentir et à accepter toute douleur qu’il pourrait lui infliger. Et si ses fautes pouvaient êtres expiées dans la souffrance, faites qu’il prenne tout son temps.

Reno l'observa un instant. Son visage était vide. Elle lui courrait vraiment après pour lui dire ça? N'avait-elle pas comprit qu'il avait dit 'devrais' comme si c'était une convenance et non 'devrai' comme un promesse? Qu'il s'était détourné pour que leurs chemains se séparrent mais qu'elle ne meurt pas? Qu'il n'oserait jamais la tuer?

Reno tourna les talons vers le couloir ténébreux devant lui, ignorant Lynn derrière lui.

-Je n'en ai pas envi, dit-il simplement avant de se remettre à marcher sans acorder plus d'importance à la blanche.